L’université inclusive : des paroles, et les actes  ?

lundi 11 mars 2024
par  Sud Education CA

Suite au 4ème comité de suivi de l’université inclusive du 20 février dernier, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) se félicite de l’augmentation du nombre d’étudiant·es “accompagné·es” par une mission handicap (leur multiplication par 2 au cours des 6 dernières années aboutissant à 59 000 personnes), du “recul de l’auto-censure” dans leur poursuite d’études, et de la “prise en compte des besoins de chacun”.

Sur le terrain, les manques de moyens actuels des structures visant à accueillir et accompagner les étudiant·es en situation de handicap dans l’ESR tout comme l’organisation même de cet accompagnement ne permettent pas du tout de “garantir la qualité des aménagements académiques proposés”.

Le nombre d’étudiant·es en situation de handicap (ESH) a donc été multiplié par 7,7 en 20 ans et doublé en 6 ans. Mais dans les structures d’accompagnement handicap et dans les services de santé des étudiant·es (SSE), le nombre de personnel est loin d’avoir suivi cette progression. Selon la ministre, les crédits handicaps ont été multipliés par 3 en 3 ans, sans indications particulières sur le fléchage de ces crédits. Les crédits alloués permettent uniquement de répondre à des compensations techniques ou humaines sans prise en compte globale des besoins de l’étudiant·e et ne peuvent pas être fléchés sur les recrutements de chargé·e d’accueil et d’accompagnement. Selon le réseau des référent·es handicap (JNRH), un·e chargé·e d’accueil et d’accompagnement accompagne entre 150 et 250 étudiant·es en situation de handicap, quand le CNESER s’est prononcé pour qu’un ETPT accompagne 100 ESH.

Par ailleurs, comme dans l’Education nationale, les métiers de l’accompagnement du handicap souffrent d’une faible attractivité et de l’absence d’une reconnaissance réelle. Absence de statut clair (missions similaires aujourd’hui assurées tant par des catégories A que des catégories C, voire par des étudiant·es de l’établissement ou des services civiques), faible rémunération (des salaires parfois inférieurs à 1500€), absence de formation, fort turn-over… Les missions assurées par les chargé·es d’accompagnement du handicap sont largement dévalorisées dans les universités.

La ministre communique sur la diversité des situations et de l’accompagnement, mais dans la réalité, l’accompagnement des ESH se résume trop souvent à octroyer un temps compensatoire sans tenir compte des besoins particuliers, des fatigabilités… Partout, il manque de salles, de surveillant·es d’examens, de scribes ou de lecteurs et lectrices, d’emplois du temps adaptés, d’interprètes LSF (Langue des Signes Française)… Par manque de temps et de personnels, les aménagements ne sont plus pensés individuellement et sont déclinés sans tenir compte des besoins réels et ne donnent pas lieu à des bilans collectifs sur leurs faisabilités, ni leurs efficacités. Les Missions handicap colmatent des besoins spécifiques sans engager plus largement les différents services de l’université et les enseignements.

Une réflexion est engagée sur la transposition dans l’ESR du métier d’AESH (Accompagnant·es des élèves en situation de handicap) : c’est une bonne chose tant l’absence de ces aides humaines est un frein à la poursuite d’études pour bon nombre d’élèves et d’étudiant·es. Mais ces fonctions ne seront vraisemblablement pas rémunérées sur dotations ministérielles, renvoyant les ESH vers les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) et des allocations ou prestations handicap trop insuffisantes pour assurer ces missions quotidiennes. Rappelons que les délais de traitement d’une demande MDPH, non conditionnée pour l’obtention d’aménagements dans le supérieur en raison de la délégation CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) des médecins SSE, sont aujourd’hui de 6 à 12 mois dans certaines régions, soit parfois supérieurs à une année universitaire

Le ministère met en avant “un recul de l’auto-censure” : pourtant, avec 65% des jeunes entre 15 et 24 ans en situation de handicap sans diplôme contre 15% des jeunes au sein de cette tranche d’âge, nous sommes bien loin de la prise en charge collective du handicap. Une première mesure serait de mettre en place un salaire étudiant pour toutes et tous les étudiant·es, qui permettrait de limiter les effets de seuil.

Pour que les “établissements deviennent exemplaires en matière d’accessibilité”, il faudra bien plus que quelques places et accès PMR (qui manquent encore beaucoup trop sur les campus) et des ⅓ temps. La diversité des situations de handicap des ESH et des besoins spécifiques doit prendre en compte l’ensemble des barrières visibles ou invisibles et toutes les limitations matérielles comme pédagogiques que subissent les ESH.

Pour SUD éducation, l’université inclusive sans moyens n’est qu’un slogan publicitaire du ministère. Le ministère peut bien “saluer le travail remarquable des missions handicap”, l’inclusion des ESH ne peut pas être du seul ressort de ces services dédiés, mais doit faire l’objet de discussions collectives régulières, de prises en compte par l’ensemble de la communauté universitaire : étudiant·es, personnels de santé et sociaux, enseignant·es, BIATSS… L’inclusion est une question sociale et non médicale, c’est toute l’université qui doit être outillée et financée pour être inclusive.

SUD éducation revendique :

  • la reconnaissance des métiers de chargé·e de mission, d’accueil et d’accompagnement des ESH par la création d’un statut de fonctionnaire ;
  • le recrutement conséquent et la formation de personnels au sein des services de médecine préventive et des structures handicap ;
  • des dotations horaires et une formation des personnels enseignant.es et non enseignant.es assurant le suivi des ESH. Les référent·es handicap des composantes ne se voient dégager aucun volume horaire d’enseignement pour ce travail qui relève donc plus du bénévolat que d’une véritable mission professionnelle (inscrite pourtant dans le Code de l’éducation). Dans ces conditions, on fait bien souvent « au mieux », au détriment des droits des ESH ;
  • une prise en compte collective des ESH par l’ensemble de la communauté universitaire ;
  • une réelle formation initiale et continue des enseignant.es aux pratiques pédagogiques inclusives ;
  • l’université ne peut être inclusive si elle se soustrait elle-même à la législation : l’obligation pour les universités d’employer 6% de personnels en situation de handicap ;
  • La mise aux normes d’accessibilité de tous les bâtis universitaires.

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