Déclaration SUD éducation « Suivi sectoriel de la crise du Covid-19 - enseignement supérieur » de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale

lundi 11 mai 2020
par  Sud Education CA

Déclaration liminaire de SUD éducation devant le comité « Suivi sectoriel de la crise du Covid-19 - enseignement supérieur » de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale
Enseignement supérieur : la priorité doit aller au présentiel

L’illusion de la continuité pédagogique
L’activité d’enseignement, en tant qu’elle se déroule très majoritairement en présentiel dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, s’est interrompue à la suite de l’arrêt de l’accueil des étudiant-e-s à partir du lundi 16 mars. Cette décision, à savoir d’une fermeture au public des établissements et non d’une fermeture administrative pleine des établissements comme il peut s’en produire lors d’épisodes climatiques sévères par exemple, a produit ce second semestre bancal et illusoire. Le Ministère et les équipes dirigeantes ont prétendu que les établissements pouvaient continuer d’assurer leurs missions tout en fonctionnant en mode dit « dégradé », cependant que le personnel et les étudiant-e-s constataient quotidiennement l’impasse de la numérisation des missions de l’université, à commencer par l’enseignement.

Le personnel des établissements de l’ESR (administratif, technique et enseignant) s’est attaché à maintenir avec les étudiant-e-s un lien pédagogique, qui ne saurait tenir lieu d’un enseignement au sens plein, et qu’il faut distinguer d’une continuité pédagogique factice. Les limites de celles-ci ont aussi révélé les conditions matérielles et financières précaires de beaucoup d’étudiant-e-s ne bénéficiant ni des outils informatiques pour poursuivre des études à distance, ni des conditions d’existence leur permettant de poursuivre sereinement des études tout court.

Pour ces raisons, nous réaffirmons aussi que le semestre ne s’est pas déroulé dans des conditions permettant un contrôle des connaissances : les évaluations à distance imposées par les directions d’établissements sous les encouragements du Ministère sont une mascarade dégradante à l’égard des diplômes universitaires. Elles sont génératrices d’une surcharge de travail généralisée, qui fragilise les personnels au moment où la fatigue physique et psychique liée au travail à distance et au confinement se font sentir. Elles refusent de prendre en compte les effets produits par l’épidémie et le confinement : peur, incertitude, anxiété, l’isolement, démotivation, qui ont entravé l’activité d’apprentissage des étudiant-e-s. Ces évaluations à distance sont enfin l’occasion de franchir une nouvelle étape dans la numérisation des activités d’enseignement et leur marchandisation partielle, lorsque le Ministère oriente les établissements vers des prestataires privés d’évaluation à distance, et incite à procéder pendant les examens à une télé-surveillance liberticide.

Les agent-e-s et le dialogue social malmenés
La période récente s’est avérée punitive pour les agent-e-s du service public d’enseignement supérieur et de recherche, après que le travail à distance s’est généralisé de manière sauvage. Assuré par beaucoup de collègues avec leurs outils personnels, il est générateur de souffrance physique et psychique, a fortiori lorsqu’on intime aux agent-e-s de poursuivre leur travail à distance tout en assurant la garde des enfants et le soin des malades, et que le temps de travail s’allonge inexorablement pour faire face aux exigences de création et de maintenance d’une infrastructure numérique, de mise en ligne de contenus d’enseignement, de préparation d’évaluations en ligne. Le Ministère et les directions des établissements, cependant, se sont emparées des mesures punitives prises à l’encontre des agent-e-s de la Fonction publique, avec des RTT et des congés imposés par l’Ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020.

De manière plus générale, le Ministère a fait preuve d’un autoritarisme assumé lorsqu’il s’est agi de nier la liberté pédagogique en s’opposant aux mesures de neutralisation et/ou de validation automatique défendues dans de nombreuses universités par les organisations syndicales et étudiantes, et utilisé pleinement la crise sanitaire pour contourner des instances de dialogue social bien malmenées. Les plans de reprise des activités ont été présentés au dernier moment aux CHSCT ministériel et d’établissement, ainsi qu’à des comités techniques privés de leur unique pouvoir, celui de rendre un avis. Peut-être la Ministre trouve-t-elle la compagnie des journalistes plus agréable, puisque c’est par voie de presse, dans le Parisien du 7 mai, que nous avons pris connaissance de ce qui semblent être les orientations pour la rentrée, en particulier le recours aux « cours à distance ».

Rendre possible les enseignements présentiels

Oui, il existe des enseignements à distance qui ont permis à diverses catégories – des prisonniers et prisonnières par exemple – d’accéder à une formation universitaire et d’obtenir les diplômes correspondants. Ces enseignements à distance demandent toutefois des moyens considérables, une longue élaboration pédagogique et fonctionnement surtout avec un public très motivé, souvent plus âgé que la majorité des étudiant-e-s en formation initiale. Ils nécessitent aussi un encadrement strict et un soutien fort : fourniture des outils aux enseignant-e-s et aux étudiant-e-s ; prise en compte de la surcharge de travail impliquée par le transfert et/ou la création d’enseignements en distanciel ; aménagement des évaluations pour pallier les faiblesses du numérique et éviter la télé-surveillance.

Parce que tous les enseignements ne sont pas transférables en distanciel, parce que les études ne se résument pas à l’appréhension de contenus de connaissance mais comportent une dimension de socialisation essentielle, la priorité doit continuer d’aller à l’enseignement présentiel. La reprise de ce dernier ne peut se faire que si les conditions sanitaires sont réunies, mais encore faut-il que la volonté et les moyens existent afin de le rendre possible.

SUD éducation regrette donc que pour l’année universitaire prochaine, le grand bond en avant vers l’université numérique semble constituer l’unique feuille de route de la Ministre, laquelle n’a pour l’instant donné aucun détail aux représentant-e-s du personnel et des étudiant-e-s, mais semble déjà clore le débat sur les grandes orientations.

SUD éducation affirme que d’autres choix sont possibles et souhaitables pour les étudiant-e-s comme pour les agent-e-s du service public d’enseignement supérieur et de recherche :

- recruter massivement des agent-e-s titulaires et mettre à disposition les locaux nécessaires pour des enseignements en petit groupe ;

- différer la rentrée jusqu’à ce que les conditions pour une rentrée présentielle soit réussie, quitte à remettre en question la rigidité du calendrier universitaire découpé en semestres pour rentrer dans le moule LMD ainsi que l’obsession évaluative qui guide aujourd’hui trop souvent l’organisation des études.

Declaration SUD

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